Je suis née au Moyen Âge. Je ne me souviens plus à quelle date ni à quelle année, mais ma mère me répétait sans cesse que ça avait été la journée d’hiver la plus froide qu’elle n’avait jamais connue. Ses cris s’étaient faits entendre au-delà des murs de notre petite maisonnée, allant jusqu’à la périphérie de notre minuscule village qui comptait cinquante-deux paires de pieds qui marchaient à l’unisson alors qu’ils s’affairaient à leurs tâches quotidiennes. Eh non, le monde ne s’était pas arrêté de tourner, même lorsque ma petite frimousse avait pointée le bout de son nez. Vous savez, cette période n’était pas aisée. Les tâches étaient rudes. Allant jusqu’au travail de bûcheron, de boulanger, de forgeron, passant par celui de meunier, de tisserand et de charpentier. Même pour les femmes … entre s'occuper du ménage, du lavage (pas avec une machine, mais à l'aide d'un seau d’eau et d'une planche), s’occuper des enfants, des repas et j’en passe, à la fin de la journée, la plupart d'entre elles ne savaient plus où donner de la tête ! Il n'y avait pas d’électricité. Donc le seul chauffage que nous avions, c’était le feu qui s’animait dans la petite cheminée qui ornait le coin de notre salon / cuisine / salle à manger / chambres à coucher. Autant de pièces en un seule et celle-ci n’était pas très luxueuse ou spacieuse. C’était petit et à sept, on faisait plus que se marcher sur les pieds, on était carrément les uns par-dessus les autres, mais c’était ça la vie en ce temps-là et il fallait l’endurer. Énuméré comme ça, ça sonne comme si c’était carrément horrible, mais ça ne l'était pas tant que ça. On trouvait toujours le moyen de s'amuser. Pourtant, alors que les autres enfants s’amusaient à courir, à nager ou à patiner lorsque l’étang était gelé, je restais dans mon coin tellement j’étais timide.

J’étais à des années lumières de la personne que je suis devenue lorsque l’homme de la Lune a décidé que ma mort n’était pas ma fin. J’allais dans la forêt, près d’un petit cours d’eau et je pouvais y rester pendant des heures, à réfléchir à propos de tout et de rien, mais particulièrement à regretter de ne pas avoir accepté de jouer avec les autres, à regretter mes moindres faits et gestes.

Par la suite, lorsque j’ai atteins l’âge de vingt ans, j’ai contracté la peste bubonique. En fait, elle est tellement contagieuse que tout mon village l’a eu et ce n’est pas du tout une partie de plaisir. Sur ce que l’on appelle ‘’Internet’’ ici, voici les symptômes qui sont inscrits : ’’ Outre la fièvre, ils se concentrent sur la sphère respiratoire : toux, dyspnée (difficulté à respirer) avec éventuellement la production d’expectorations hémoptoïques et purulentes (le malade tousse et crache du sang et du pus infecté). Puis on constate une pneumopathie invasive dyspnéisante avec oedème lésionnel responsable d’une détresse respiratoire aiguë entrainant la mort.’’ Ça sonne aussi agonisant que ça l’est réellement. Je ne souhaiterais jamais cela à qui que ce soit, pas même à Noirceur. Mais alors que j’espérais pendant des jours et des jours d’agonie que mon heure sonne, je m’étais promis que s’il y avait la moindre possibilité qu’il y ait quelque chose d’autre qui m’attendait après la vie que j’avais eu, que je n’allais pas le gaspiller et donc, que je n’allais pas le passer à avoir des regrets. C’est pour cette raison-là que depuis le moment où l’homme de la Lune m'a donné une seconde chance et que j'ai rencontré Jack, j’ai vécu ma vie à cent à l’heure.

[…]

Je sentais le vent caresser mes bras alors que je filais à toute allure au-dessus du royaume endormi. Il fallait bien faire descendre la température de plusieurs degrés et la nuit était le meilleur moment pour le faire, les rayons du Soleil n'étant plus là afin de me faire obstacle. Je fermais les yeux, appréciant ces moments de pure joie que je ressentais lorsque j'étais en harmonie avec mon élément. C'est alors que les flocons qui commencèrent à rafraîchir mon visage me sortirent de ma transe, me faisant réaliser que mon meilleur ami se trouvait à mes côtés.

- Tu peux tellement être dans la Lune que tu ne remarques même pas qu'il y a quelqu'un près de toi.

- Ce n'est pas ma faute si tu arrives constamment sans prévenir. Je vais commencer à croire que tu ne peux pas vivre sans moi à force.

- Ouais c'est ça ! C'est pas toi accours toujours quand je dois faire tomber une flopée de neige ?

- Que serait une grande quantité de neige sans une bonne bourrasque de vent ? Tout ce que je fais, c'est te rendre service et seul l'homme de la Lune sait que tu en a grand besoin.

Sur ces paroles, nous éclatons de rire.

- De toute façon, je ne suis pas venu pour ça. Tu sais que demain il y a une croisière ?

- Ne me dit pas que tu veux y aller ?

- Pourquoi pas ? Il y aura un bateau, de la nourriture et plein de gens qu'on ne connaît pas.

Je haussai les sourcils.

- Plein de gens qu'on ne connaît pas ? C'est ça ton argument pour m'y entraîner ? Il va falloir que tu retravailles ça.

- Oui, plein de gens qu'on ne connaît pas ... et Jeannot. Tu ne manquerais ça pour rien au monde.

Un sourire se dessina sur mes lèvres.

- Tu m'intéresses ... mais cette fois-ci ne fait pas tout foirer !

- Ce n'est pas de ma faute si la dernière fois tu ne m'avait pas donné un vent assez fort.

- T'avais qu'à le mériter ce vent !

- Envore à vouloir le dernier mot à ce que je vois.

- Arrête, je sais que c'est pour ça que tu m'aimes. À demain !

À ces mots, mes joues s'empourprèrent et je retournai rapidement à ce que je faisais auparavant avant qu'il ne les remarques. Pourquoi avais-je dit une chose pareille à voix haute ?