L'histoire d'Ariel commence trente-trois en plus tôt. Fille du roi d'Atlantica, le roi Triton, et de la déesse Athéna, Ariel est la plus jeune de sa famille. Elle n'a jamais eu de réels liens avec ses soeurs, préférant de loin la compagnie de Polochon, un poisson jaune et bleu qu'elle considère comme son plus fidèle allié, et de Sébastien, ami et conseiller de son père. Les premiers temps de sa vie, Ariel fut bercée d'amour et de chants. Sa mère en était amoureuse, passion qu'elle a donné à sa fille, et qu'Ariel, des années plus tard, transmettra à Mélodie.

Malheureusement, toutes les histoires ont un point de rupture, et le premier dans la sienne fut la mort de sa mère. Le roi Triton, fou de douleur, ne supportait plus d'entendre une seule note de musique dans tout le royaume. Ariel fut celle qui se battit pour rétablir ce qu'elle appelait son bonheur, le seul lien qui lui restait d'avec sa mère. A force de bataille, elle réussit à faire entendre raison à son père.

Sa vie reprit donc son cours, mais Ariel, telle l'adolescente qu'elle était, s'intéressait de plus en plus au monde " d'au-dessus" . Les être humains la fascinaient et malgré les interdictions de son père, elle passait son temps à explorer les environs, son endroit favori étant la plage, où elle observait de loin ces femmes humaines avec leurs longues jambes qu'elle enviait de tout son coeur. Jusqu'au jour où lors d'une de ses escapades, elle aperçut un bateau. Elle n'hésita pas une seconde à aller voir ce qu'il se passait sur le navire, et c'est là qu'elle le vit. Eric. Le plus bel humain qu'elle n'avait jamais vu, devant elle. Elle en tomba amoureuse dès l'instant où elle aperçut ses cheveux noirs. Et par un concours de circonstance, ce jour-là, elle lui sauva la vie, le bateau étant pris dans une tempête incroyable. La seule chose qu'elle laissa entendre d'elle fut son chant sur la plage lorsqu'il se réveilla. Mais avant qu'il n'ouvre les yeux, elle était partie. C'est à ce moment là qu'Ariel rencontra Ursula. La sorcière lui fit miroiter le monde des humains en échange de sa voix, la piégeant. Après bien des péripéties, cependant, Ariel finit par vaincre Ursula avec l'aide d'Eric, et les deux jeunes gens finirent par s'avouer leur amour. Ils se marièrent le jour même, avec l'aval du roi Triton, qui offrit à Ariel deux jambes merveilleuses, comme elle en avait toujours rêvé.

Quelques mois plus tard naissait Mélodie. Les choses faillirent basculer de nouveau quand lorsqu'elle grandit, la plus jeune des Underwater voulut devenir une sirène. Après Ursula venait donc Morgana, sa soeur, qui ne tarda pas à mettre main basse sur la fille d'Ariel, qui fut finalement sauvée.

C'est à partir de ce moment là que tout devint plus difficile.

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I. Je t'aurais aimé jusqu'à la fin des temps.

Ariel, les yeux dans le vague, regardait par le hublot de la cabine qu'ils avaient loué pour la croisière avec Eric. Debout, elle sentait son mari faire les cent pas dans la petite pièce. Il devait sans doute se demander où était Mélodie. A vrai dire, ils avaient décidé de laisser l'adolescente de seize ans avoir sa propre cabine et profiter de ce séjour avec son indépendance. Quelle adolescente voulait avoir ses parents collés à elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Ce qu'Ariel n'avait pas prévu, c'était que cette situation, bien qu'appréciable pour leur fille, l'était beaucoup moins pour eux. Voilà maintenant des années qu'ils n'avaient plus rien à se dire. Malgré tous leurs efforts pour maintenir leur couple, ils se heurtaient à un mur. Ariel était presque sûre qu'Eric avait quelqu'un d'autre dans sa vie. Peut-être pas de manière affirmée mais il ne pensait plus à elle comme avant. Et pour être totalement honnête avec elle-même, si ce n'était pas son cas, elle n'était pas contre l'idée. Elle savait bien que s'ils étaient encore ensemble à l'heure actuelle, c'était bien pour Mélodie, et pour les apparences. Rien que pour leur royaume, ce serait folie de mettre fin à leur union. Personne n'avait jamais vu ça.

" Tu veux que l'on aille faire un tour  à l'extérieur?"

La voix de son mari fit sursauter Ariel. Elle aurait presque oublié sa présence, perdue dans ses pensées. Répondant au sourire presque timide d'Eric, elle secoua la tête.

" Non merci, je suis bien ici. De là, je vois les poissons, Polochon ne doit pas être loin !"

Elle savait bien que le brun n'était pas dupe. Si elle ne voulait pas sortir, c'était pour ne pas avoir à feindre. Feindre l'amour qu'ils n'avaient plus, feindre le bonheur. Ils s'aimaient, et s'aimeraient toujours, c'était un fait. Mais plus comme avant. Peut-être Ariel n'était-elle pas faite pour l'amour unique tel qu'on le voyait. Un soupir derrière elle se fit entendre.

" Est-ce que l'on va finir par en parler ? Je sais que tout doit continuer comme ça, mais mettre les choses au point entre nous aiderait, tu ne penses pas ?"

La rousse se retourna, faisant face à son époux. Il était beau, même avec l'âge, il l'avait toujours été. Elle, elle se sentait vieillir.

" Ca fait des mois qu'on essaie même plus Eric ... Tu sais à quel point je t'aime. Mais je crois qu'il est temps de vivre nos vies. Ou alors nous finirons par le regretter. Mais ... Entre nous. Juste nous. "

Eric s'approcha, puis la prit dans ses bras. Elle s'y lova avec plaisir. Elle avait toujours eu sa place. Elle l'aurait toujours. Mais le temps où ils se voilaient la face était bel et bien terminé.

" Je t'aurais aimé jusqu'à la fin des temps, Ariel. Et je le ferais. J'espère qu'on arrivera à ne pas l'oublier."

Et voilà. Ils étaient devenus l'un de ces couples plus amis qu'amants. Et c'était une bonne chose. Du moins tant que tout ne se compliquait pas encore plus.

II. Je ne peux pas, je suis un chat.

Les pieds nus, Ariel profitait du soleil sur la plage. Le sable chaud lui chatouillait les orteils, comme des années auparavant lorsqu'elle se baladait main dans la main avec son mari. Mais cette fois, elle était seule. Ce n'était pas plus mal en fin de compte, il fallait qu'elle apprenne à vivre pour elle-même. Voilà des années que ce n'était plus le cas, que tout tournait autour de sa famille. Mais plus maintenant. Mélodie ne le savait pas encore et sans doute ne le saurait-elle jamais, du moins elle l'espérait. Mais pour Ariel, tout avait été fait pour que l'avenir soit meilleur que le passé, et c'était le principal. Alors qu'elle marchait, les bras nus, son short dévoilant ses jambes qu'elle n'avait de cesse d'admirer, encore aujourd'hui, tel un miracle, elle se rendit compte qu'elle était épiée. Cette sensation sur sa nuque, comme si on la fixait. Comme si on la fixait. Attrapant un coquillage, elle se retourna précipitamment.

" Attention, je suis armée !"

Elle était bien plus ridicule qu'intimidante, mais eut le mérite de faire rire l'homme se trouvant à quelques mètres d'elle. D'un coup d'oeil, elle l'observa. Roux, gringalet, il n'était pas ce que l'on pouvait appeler charmant, mais il avait quelque chose dans le regard qui l'intrigua. Dans sa façon de la regarder.

" Waow, ça fait peur. Je ne te veux pas de mal, je ne fais que te suivre."

Les bras croisés sur sa poitrine, Ariel haussa un sourcil. Il était conscient du caractère de sa phrase ou pas du tout ?

" Oui, et bien arrête."

L'homme, de façon totalement inattendue, se mit à rire.

" Je ne crois pas non."

Ouvrant la bouche pour répliquer, elle se ravisa, et se remit à marcher, un peu plus vite. Le manège durant une bonne dizaine de minutes, avant qu'elle craque et se retourne de nouveau vers le rouquin, toujours derrière elle.

" Arrête de me suivre !"

" Je ne peux pas, je suis un chat."

Cette fois-ci, ce fut son tour d'éclater de rire. Après tout, sa réplique était aussi stupide qu'inattendue.

" Et alors ?"

" Et alors les chats, ça choisit un humain et ça le suit jusqu'à sa mort. T'as pas fini de me voir !"

Et malgré toutes ses protestations, Ariel admettait que jusqu'à présent, il avait tenu parole.